Avant l’arrivée des chemins de fer puis des camions, les fleuves et rivières étaient les principales routes de communication. Avec ses cours d’eau comme la Garonne, le Lot, le Tarn et le Baïse, le Sud-Ouest disposait d’un réseau stratégique qui a joué un rôle clé dans le développement des vignobles et appellations locales.
Les nécessités logistiques ont poussé les vignerons à optimiser les qualités de leurs vins pour résister au transport en barrique. Les vins des régions comme Cahors ou Gaillac devaient non seulement plaire aux palais, mais aussi supporter ces longs trajets maritimes pour arriver jusqu'à Bordeaux, puis dans différents ports européens.

Cahors et la magie du "vin noir"
Les vignes de Cahors, plantées principalement sur les terrasses du Lot, ont donné naissance à un vin célèbre dès l’Antiquité. Les Romains déjà le transportaient sur le Lot grâce aux barges. Cependant, c’est à partir du Moyen Âge et jusqu’à l’époque moderne que le commerce fluvial via le Lot prit son plein essor. Les gabares reliaient Cahors à Bordeaux, d’où les tonneaux prenaient le large vers l’Angleterre, les Pays-Bas et au-delà.
Mais pourquoi le vin de Cahors a-t-il eu tant de succès à l’exportation ? Sa profondeur, sa structure tannique et sa robe sombre – d’où son surnom, "vin noir" – le rendaient non seulement savoureux sur les grandes tablées, mais lui permettaient aussi de résister aux aléas du stockage et du transport. Ces caractéristiques étaient un atout précieux lorsque les tonneaux voyageaient pendant plusieurs semaines.
Une anecdote célèbre illustre cette renommée. En 1152, lorsqu'Aliénor d’Aquitaine épouse Henri II Plantagenêt, futur roi d’Angleterre, le mariage établit un pont commercial entre Bordeaux et Londres. Si les vins bordelais occupaient évidemment une place importante sur ce marché anglais, les vins de Cahors s’imposaient également grâce à leur capacité à bien vivre le transport. Il est même dit que les moines bénédictins de Cluny favorisaient déjà l'export de ce vin robuste avant cette époque !
Gaillac, le carrefour entre tradition et innovation
À environ 200 km du Lot, Gaillac, situé sur les rives du Tarn, bénéficiait lui aussi de son accès privilégié au commerce fluvial. Les origines de son vignoble remontent aux Romains, mais c’est avec l’essor des gabares au XVIe et XVIIe siècles que les vins de Gaillac gagnèrent en notoriété. En chargeant leurs barriques sur le Tarn, les producteurs pouvaient atteindre Bordeaux, puis d’autres marchés européens.
Gaillac avait un autre atout : la diversité de ses méthodes de vinification. Contrairement à Cahors et son malbec (ou cot), Gaillac proposait une riche variété de cépages locaux, tels que la mauzac, le loin-de-l’œil ou le duras. Outre ses vins rouges et blancs, Gaillac excellait aussi dans la production de "vins perlés" – des vins blancs légèrement effervescents – et de "vins doux". Cette diversité conquérait des marchés très variés, d’Amsterdam à Paris, et lui permit de gagner une notoriété durable.